13/06/2011

Cultures


Laura et Julien, enseignants à distance.
C’est le plus grand succès jamais rencontré par un bien culturel, toutes catégories confondues, dans l’histoire de l’Humanité. 650 millions de dollars de recettes en 5 jours ; 1 milliard de dollars de recettes et vingt millions d’exemplaires vendus depuis son lancement, en novembre 2010. Ça s’appelle Call of Duty – Black Ops. C’est un jeu vidéo. Toujours le même genre de jeu vidéo : il s’agit de se prendre pour un agent secret tueur, d’avoir une panoplie d’armes toutes plus meurtrières les unes que les autres, depuis l’arbalète jusqu’au lance-flammes, et d’abattre le maximum d’ennemis en un minimum de temps. On peut gagner des points en exécutant des «contrats», à condition que la victime reçoive bien la balle en plein crâne, et pour se récompenser on peut créer son propre emblème et le graver sur son arme favorite. Bref, on s’y croirait. Un succès, donc, phénoménal. Dix millions d’exemplaires vendus le seul jour de la sortie.  Un réalisme à, paraît-il, couper le souffle. A côté de ça, on met en place des cellules d’assistance psychologique dès qu’un poulet se fait écraser dans la grande rue d’un village et la Presse allemande reproche à la Bundeswehr d’avoir laissé toucher un fusil à des enfants de douze ans.

Continuons dans le culturel. Ils sont deux. Ils se prénomment Julien et Laura. Ils sont jeunes, beaux, doux, raisonnablement caucasiens, passionnés par la vie, et ils viennent de trouver l’activité de leurs rêves. Ils sont devenus profs. Une activité magnifique, qui s’exerce, si l’on en croit les photos validées par l'Education nationale, dans le calme d’une bibliothèque, à l’aide d’un livre ou d’un ordinateur. Et en solitaire. Loin, bien loin de cette nuisance dont on entend parfois parler et que la mise en scène publicitaire a très soigneusement occultée : les élèves.

A propos de publicité, de joli mannequin et de culture, je m’en voudrais d’oublier ce chef-d’œuvre de communication pondu par une agence bretonne. Le problème est simple : comment redorer l’image des éleveurs de porc bretons, dont l’activité est polluante au point d’avoir rendu imbuvable la quasi-totalité des eaux de la Bretagne ? Réponse : au lieu de nier le problème, on va le justifier. Traitement : on montre un adorable porcelet et on passe aux aveux : «il grogne, il pète, mais grâce à lui vous mangez sain, sûr, bon et breton !». Au premier plan, un élève de seconde année à Sciences-Po, avec petites lunettes et coiffures soigneusement destructurée. En fait, la légende nous dit qu’il s’agit de «David, éleveur de porcs en Bretagne». Et donc, il faut bien comprendre la métaphore : le porcelet qui «grogne et pète», c’est en réalité l’éleveur qui pollue. Le vrai message, c’est : «Oui, bien sûr, j’étale chaque année des centaines de millions de tonnes de merde qui rendent l’eau imbuvable à coups d’azote et de nitrate, font crever les poissons de rivière et développent les algues vertes, mais regardez comme nous sommes mignons, sains et sûrs, mon cochon et moi ! Et en plus, on est bretons.» C’est imparable.

Et pour en finir, avec les opérations de com’, je suis heureux d’annoncer à ceux qui l’ignoreraient la naissance du label PUR. Et non, ce n’est pas un label destiné à indiquer si une eau bretonne a été ou non traitée pour la débarrasser de ses nitrates superflus. PUR signifie «Promotion des Usages Responsables». Vous ne voyez toujours pas de quoi il retourne ? Vous croyez, parce qu'on emploie des mots comme «pur» ou «responsable», qu'on va encore vous causer d'écologie ? Eh ben non. PUR, c’est un truc inventé par le gouvernement pour promouvoir la loi HADOPI et défendre les droits d’auteurs de ces damnés de la Terre que sont Johnny Hallyday, Michel Polnareff ou Enrico Macias. En clair, un logo qui devrait servir à signaler les sites de téléchargement conformes à la loi. Comme qui dirait, un logo pour les légaux. L’idée est, paraît-il, d’aider les internautes à s’y retrouver. Sauf que les sites légaux qui ne l’auront pas demandé n’auront pas le logo, mais ne seront pas pour autant illégaux ; tandis que les illégaux n’auront de toute façon pas le logo. Il y aura donc des légaux à logo, des illégaux sans logo et des sans-logo légaux. De plus, histoire de tout simplifier, la SACEM vient d’intervenir auprès de l’HADOPI en dénonçant de nombreux sites qui refusent de lui payer certaines taxes. Et qui donc, selon elle, sont illégaux et n’ont donc pas droit au logo. Ce qui rajoute aux sans-logo une nouvelle catégorie : les illégaux qui se croyaient légaux. Et débrouillez-vous avec ça.

Toujours est-il que, pour promouvoir son logo, l’HADOPI a fait réaliser une grosse campagne publicitaire. Pour la modique somme de trois millions d’euros, somme évidemment prélevée sur nos impôts. La campagne - télé, radio, affichage et presse - consiste à présenter des gamins qui auraient pu devenir des phares de la culture française (auteur façon Marc Lévy, slammeur ou chanteuse de télé-réalité) si leur avenir n’avait pas été écrasé dans l’œuf par des salauds de téléchargeurs illégaux. Je vous jure que je n’invente rien : vous y aurez droit à partir d’aujourd’hui.

Sinon, la TV libyenne a présenté un reportage où l’on voit M. Kadhafi jouant aux échecs avec le président de la Fédération Internationale des Echecs, M. Ilioumjinov. Ce monsieur Ilioumjinov envisage d’organiser en octobre 2011 un grand tournoi international d’échecs à Tripoli. Il a d’ailleurs plein d’autres idées intéressantes pour promouvoir le jeu d’échecs. Comme d’apprendre à jouer à Diego Maradona. Lorsqu’il ne préside pas la FIDE, M. Ilioumjinov raconte comment il a rencontré des extra-terrestres. En scaphandres jaunes. Là non plus, je n'invente rien. Il a discuté avec eux par télépathie et ils l’ont emmené faire un tour dans leur vaisseau.

Le niveau monte.

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