21/06/2011

Caméras.

Georges Tron, harceleur médiatique ?
Cet après-midi, vers 12h30, j’étais à Versailles. Je me promenais Avenue de Paris. Devant un porche en pierre marqué «Hôtel de Police» (avec les majuscules), j’avise un attroupement. Il y avait bien quarante personnes, debout à attendre. Avec des caméras et des micros. Sous la petite pluie fine et pénétrante. Certains avaient des parapluies ; d’autres pas. A voir leurs têtes à tous, ils étaient là depuis déjà un sacré bon moment. Toutes les caméras, tous les micros étaient braqués vers le porche, dans l’attente d’une personne qui, je suppose, finirait tôt ou tard par en sortir.


Comme je suis très badaud, je me suis approché d’un des types et je lui ai demandé la raison de l’attroupement. Il m’a regardé comme si j’arrivais de Saturne, et il m’a répondu : «C’est Georges Tron. Il est interrogé ici».

Miracle de l’info, je n’ai pas eu besoin d’en entendre plus pour comprendre. Tron, vous le savez sans doute tous comme moi, ce n’est déjà plus le film plein d’effet spéciaux et de jolies lumières dont les studios Disney nous ont gratifiés il y a quelques mois. Tron, aujourd’hui, c’est l’homme politique accusé d’avoir caressé contre leur gré les pieds de certaines employées de sa mairie. L’affaire, révélée dans la foulée de celle concernant DSK, monte tranquillement en puissance. A preuve, les quarante et quelques caméras ou micros à pattes qui campaient cette après-midi-là à Versailles.

Quarante et quelques. Le pauvre Tron n’en a probablement jamais eu autant lorsqu’il sortait de Matignon, en tant que secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique. Ni encore moins sur le perron de sa petite mairie de Draveil. A quoi tient la gloire médiatique, quand même…

Je me suis approché d’un type qui marinait derrière une caméra, sous un parapluie détrempé. Comme il y avait marqué «France 2» sur le parapluie et que la caméra portait un autocollant «France 2», j’ai supposé qu’il travaillait pour France 2. Et j’ai entamé la conversation, d’un ton gentil :
-        Ça fait longtemps que vous êtes là ?
-        Ouais… Ça fait plus d’une heure.
-        Et vous allez rester longtemps ?
-        Ben, on sait pas. On attend qu’il sorte…
-        Georges Tron ?
-        Ben oui.
-        Et ce sera long ?
-        Aucune idée…
Ça fait déjà pas mal, comme échange, mais vu qu’il ne se passait absolument rien, le type avait l’air plutôt content de pouvoir causer un peu. J'imagine que ça devait rompre la monotonie de l’attente. Donc, j’ai continué :
-        Et tous les autres, là, France 3, TF1, M6, Direct Truc… Ils attendent aussi Georges Tron, donc ?
-        Ben oui.
-        Et ils sont arrivés en même temps que vous ?
-        Non. Y’en a qui étaient là avant.
-        Ah… (un silence) Et donc, vous êtes tous là depuis plus d’une heure et pour encore un certain temps, pour prendre des images de Georges Tron sortant de l’Hôtel de Police ?
-        Oui, et peut-être aussi un commentaire. Mais ça m’étonnerait.
-        Mais du coup, vous aurez tous les mêmes images ?
-        Ben oui, bien sûr.
-        Et s’il fait un commentaire, ce qui est assez peu probable d’ailleurs, vous aurez tous le même commentaire ?
-        Ben oui, c’est forcé.
-        Donc vous êtes là à plus de quarante depuis ce matin, sous la flotte, pour ramener tous les mêmes images à vos chaînes, qui passeront toutes les mêmes images au journal de ce soir ?
-        Ben ouais…
Arrivé là, le type a eu comme un petit regard triste. On aurait dit un gros chien mouillé qui vient de se faire marcher sur la queue et qui ne comprend pas très bien comment ni pourquoi, mais qui ressent tout de même un vague malaise. Je crois qu’il a pigé tout seul que la question qui venait après, en bonne logique, et que je ne lui poserais pas, c’était : «Et vous ne trouvez pas que vous faites un métier de con ?».

Parce que, oui, au fond : à quoi ça rime, cette débauche soudaine d’images ? Image de Georges Tron sortant d’un interrogatoire, de Georges Tron traversant un trottoir, de Georges Tron montant dans un fourgon… Qu’est-ce que ça nous apprend ? Et à quoi ça rime, ce panurgisme ? Pourquoi toutes les chaînes jugent-elles indispensable de faire réaliser, puis de diffuser ces images que rien ne distinguera de celles de la chaîne concurrente ? Et pourtant, tous les journalistes, tous les rédacteurs-en-chef, tous les responsables d’infos seront d’accord : oui, ce jour-là, à cette heure-là, à cet endroit-là, il fallait avoir une caméra, un micro et un journaliste.

Le niveau monte.

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