10/06/2011

Armes de conception massive.


Muammar Kadhafi, acheteur de Viagra
Au menu d’aujourd’hui, un certain nombre de scandales d’importance et de nature variées, mais tous assez éclairants sur l’état de l’opinion publique de ce début de XXIème siècle.

En Italie, l’opinion publique est révulsée par la libération brésilienne de Cesare Battisti. Rappelons que M. Battisti est cet intellectuel italien, ancien militant d’extrême-gauche, reconnu coupable par les tribunaux de son pays d’implication dans quatre meurtres terroristes commis en Italie à la fin des années 70 et condamné de ce fait à la réclusion à perpétuité. Réfugié en France, très apprécié de la gauche-tarama française qui le considère soit comme un innocent persécuté, soit comme une espèce de Jesse James transalpin, M. Battisti s’est ensuite transporté au Brésil, sous l’aile protectrice d’un président Lula dont les sympathies pour la gauche radicale ne sont plus à démontrer. Bon calcul, puisque le Brésil vient de refuser l’extradition de M. Battisti et de le remettre en liberté. A la grande fureur des Italiens et de leur gouvernement. Fureur néanmoins tempérée par diverses considérations humanistes, comme en témoignent ces propos d’un diplomate italien : «Nous avons beaucoup d’intérêts économiques avec le Brésil, qui est en plein développement. D’importants contrats ont encore été signés l’an dernier. On ne peut pas tout envoyer en l’air pour Cesare Battisti.»

En France, l’affaire Luc Ferry a durant un moment agité les médias. Mais ne vous y trompez pas : il ne s’agit plus de l’affaire Luc-Ferry-qui-a-dénoncé-sans-le-dénoncer-tout-en-le-dénonçant-un-ministre-pédophile. Il s’agit désormais de savoir si M. Ferry a bien effectué les heures d’enseignement pour lesquelles il a été payé et, dans la négative, s’il était fondé à le faire. Ou à ne pas les faire. Enfin, vous me comprenez. Il paraît que M. Ferry, sur cette importante question, a été auditionné par le ministre de l’Education lui-même. Après quoi on n’a plus entendu parler de rien. Même pas de ministre pédophile. Surtout pas de ministre pédophile.

En France encore, Mme Lagarde est accusée d’avoir été au courant de liens d’affaires ou d’amitié entre l’avocat de M. Tapie et l’une des personnes chargées de juger M. Tapie. Rappelons que le jugement en question a permis à M. Tapie, par l’intermédiaire de son avocat, de se faire payer par l’Etat français la bagatelle de 285 millions d’euros. C’est-à-dire que chaque foyer français qui paie des impôts a donné, cette année-là, 11 euros à M. Tapie.  C’est beaucoup. De quoi financer, par exemple, les quarante années de carrière de plus de deux cents instituteurs. Et donc, il y aurait eu un certain copinage entre l’un des juges-arbitres et l’avocat de l’arbitré-jugé. Et Mme Lagarde l’aurait su. Et elle n’aurait pas trouvé utile de faire appel du jugement. C’est le site Médiapart qui publie cette information. Le ministère des Finances défend Mme Lagarde d’une façon inattendue. «Il n’y a là rien de nouveau, lit-on dans le communiqué publié par Bercy. Tout était déjà dans le rapport de la Cour des Comptes». Autrement dit, on savait déjà qu’elle savait et donc, circulez, y’a rien à (sa)voir. La presse est donc passée à autre chose.

En France toujours, on se demande si M. Emmanuelli, lors d’une séance à la Chambre des députés, a eu ou non un geste déplacé à l’encontre du Premier ministre. Pour tout dire, un doigt d’honneur. Les images semblent montrer que oui ; M. Emmanuelli jure que non. La question est en débat. Le bureau de l’Assemblée en discutera dans les prochains jours. Le PS attend en retenant son souffle. Tout comme l’UMP qui, de son côté, attend de savoir si l’élection de Mme Chirac aux dernières Cantonales va être annulée. Car Mme Chirac a été élue avec une seule voix d’avance et justement, voyez comment sont les choses, on a trouvé une enveloppe de trop dans l’un des bureaux de vote du canton en question. Là encore, le tribunal rendra ses conclusions dans les prochains jours. La vie politique n’est qu’un long suspense.

En Allemagne, c’est l’armée qui est prise dans un scandale majeur. Lors d’une opération «Portes ouvertes» dans une caserne de Bavière, les militaires ont montré un char aux enfants et les ont laissé manipuler des armes. Déchargées. Ils leur ont même fait simuler des tirs sur des ennemis. L’Allemagne toute entière est scandalisée par cette horreur. Il faut dire que les petits garçons allemands ne jouent à aucun jeu vidéo, ne regardent pas la télévision, ne vont pas au cinéma et ne connaissent pas les jouets dénommés «Action Man» ou «G.I. Joe». Ils ne pouvaient donc absolument pas imaginer qu’ils verraient des fusils et des chars en entrant dans une caserne, ni encore moins espérer en voir. «C’est une catastrophe pour l’image de la Bundeswehr» a déclaré un député allemand, tandis qu’une enquête militaire a été ouverte. M’est avis qu’il n’y aura plus de «Portes ouvertes» dans une caserne allemande avant un bon bout de temps. Et que la prochaine fois, ce sera thé dansant et projection de «Bambi». Et encore, je suis pas sûr : dans «Bambi», il y a un chasseur.

Sinon, le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), M. Luis Moreno-Ocampo, vient de révéler une nouvelle horreur : Kadhafi nourrirait ses troupes au Viagra pour leur permettre de violer les opposantes à son régime. Y compris les enfants. L’affaire a été révélée en avril dernier à l ‘ONU par Mme Susan Rice, représentante des Etats-Unis au sein de l’auguste assemblée. D’après M. Moreno-Ocampo, cela fera un nouveau chef d’inculpation à l’encontre de M. Kadhafi. Et donc, si je comprends bien, une raison supplémentaire de le pendre. Ça peut toujours servir. Le Conseil de sécurité des Nations-Unies et M. Moreno-Ocampo lui-même parlent sans rire de «conteneurs entiers de Viagra» acquis «récemment» par la Libye et que la CPI aurait découverts. En somme, des armes de conception massive. Au passage, ce recours au Viagra laisse à penser que les soldats libyens sont soit âgés, soit fatigués, soit extrêmement sollicités. Ou que Kadhafi n'a pas trop confiance dans la virilité de l'armée libyenne. L’affaire paraît un peu difficile à croire, surtout après que nombre d’affirmations américaines du même tonneau (bébés jetés hors des couveuses koweîtiennes par les soldats irakiens, armes nucléaires détenues par Saddam Hussein…) se sont révélées être des bobards. Mais justement, explique Mme Rice, les USA ne voulaient pas que l’affaire soit connue car c’est tellement énorme que le public pourrait croire à de la désinformation. C’est là qu’on voit à quel point le maniement de la propagande devient un travail complexe : entre vérité et mensonge, on en est désormais au triple-salto.

Quand je vous dis que le niveau monte.

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