02/07/2011

Greffes.


Nicolas Hulot et Nicolas Demorand, greffons en cours de rejet.
Ces derniers temps, l’actualité nous offre un certain nombre de cas de greffes. Des qui marchent, des qui marchent pas, des qui ont failli marcher, des qu’on sait pas encore trop… Petit tour d’horizon.

Les cas de rejet, d’abord. Le premier, c’est chez Europe Ecologie-Les Verts (EELV pour les intimes). En gros, il s’agissait de greffer une sorte de grand poireau d’origine amazonienne, le Hulotus Avantagœsus, dans un champ de pastèques aussi splendidement rouges à l’intérieur que vertes à l’extérieur. Tout semblait bien se passer, les experts se montraient confiants, les responsables de l’opération avaient déjà sorti le champagne quand, patatras !... on apprend mercredi dernier que la greffe a finalement foiré. Le poireau se serait heurté à une espèce de ronce nordique, un peu épineuse et pas franchement comestible, mais apparemment beaucoup plus pastéquo-compatible que lui. Une seconde tentative est prévue pour la semaine prochaine, mais les pronostics sont assez réservés.

Le second cas de rejet a été observé dans un champ de navets cultivé sous serre depuis des années. Je veux parler de la rédaction de «Libération». On sait que ce journal, comme la quasi-totalité de ses petits camarades, perd de l’argent à pleins tonneaux. Pour essayer de redresser la situation, M. Rothschild, actionnaire principal, a décidé de nommer à la direction du titre M. Nicolas Demorand. Or, M. Demorand, agrégé de lettres, licencié en philosophie et ancien prof, est un homme cultivé, plutôt pas bête et, en tant que journaliste, plutôt famillier de l’audio-visuel puisqu’il a fait l’essentiel de sa carrière sur France Culture, France Inter, i>Télé, France 5 ou Europe 1. En outre, il semble effectivement décidé à réduire les pertes financières du journal. Intelligent, sachant écrire, gestionnaire et de culture audio-visuelle… Bref, un profil en rupture complète avec la rédaction de «Libé». Au moment de son arrivée, les journalistes ont voté. M. Demorand a obtenu 118 voix en faveur de sa candidature pour 90 contre. C’était début mars, et c’était déjà serré. Cette semaine, la même rédaction a voté contre lui une «motion de défiance». 79% des 208 journalistes se sont exprimés, et 78% d’entre eux ont voté pour la motion. Et donc, contre M. Demorand. D’après «Le Monde», on lui reproche l’embauche en CDD d’un ancien collaborateur à lui et, je cite, «un projet de refonte des dernières pages du journal (…) plus susceptible d’attirer des annonceurs mais qui ne serait pas en phase avec la culture du journal». Pour mémoire, la «culture» du journal, jusqu'à il y a peu, c’était M. Joffrin, parti depuis quelques mois faire le malheur du «Nouvel Obs». C'est dire l'ampleur du travail. M’étonnerait que M. Demorand reste très longtemps planté dans ce champ-là.

Les tentatives de greffe, maintenant. La première a lieu dans un autre champ de navets, mais nettement plus prospère et en bien meilleure forme : la rédaction de TF1. La chaîne envisage de créer une émission d’actualité satirique. Rien que cette info a de quoi surprendre : de la satire politique, sur la chaîne de M. Bouygues, on n’avait pas vu ça depuis dix-sept ans, lorsque le Bebête Show et les calembours accablants de l’accablant duo Collaro/Roucas se sont interrompus. Mais ce n’est pas tout. Plus remplis que jamais de créativité et d’audace, les Bouygues-boys n’ont rien trouvé de mieux que d’aller débaucher un histrion de la concurrence. En l’occurrence, le dénommé Canteloup qui officie, paraît-il, aux Guignols de l’Info sur Canal+. L’intéressé a accepté sans y voir malice. Fureur de Canal+, qui gueule à la concurrence déloyale et somme ledit Canteloup de choisir son camp. Psychodrame dans un verre à dents. Bon. Moi, c’est pas mes oignons mais, à la place de M. Canteloup, je garderais ma place à Canal. Parce que, TF1, c’est M. Bouygues et M. Bouygues c’est le pote en chef de M. Sarkozy et 2012 c’est dans six mois et c’est l’année où M. Sarkozy va chercher à être réélu. Autant dire que la satire politique, sur TF1, en 2012, elle risque d’être méchamment encadrée. C’est-à-dire, encore plus que sur Canal. Il y a des greffes qui ne valent pas toujours la peine d’être tentées.

L’autre tentative de greffe à laquelle on assiste depuis deux jours est une greffe à EHI (efforts hautement intensifs). Il s’agit de regreffer M. Strauss-Kahn dans le cœur des Français après l’en avoir arraché sans beaucoup de ménagements voilà seulement six semaines. Rappelons que dans les jours qui ont suivi son arrestation, le 14 mai dernier, les Français ont assisté avec un peu d’ahurissement à un véritable torrent de révélations concernant les débordements sexuels de l’ex-grand homme du PS. Entre une journaliste qui avait frôlé le viol, un permanent socialiste expliquant qu’on n’osait pas laisser DSK tout seul avec une femme et une attachée parlementaire racontant qu’elle avait pris des cours de karaté avant d’approcher le bonhomme, c’était à qui aurait l’anecdote la plus croustillante. Tout le monde savait, tout le monde s'était tu mais tout le monde n'en pensait pas moins et depuis fort longtemps. Or, la justice américaine semble remettre en cause l’accusation dont notre DSK est victime. Et du coup, dans la presse française, tout le reste est oublié. Ecoutez bien les journaux, lisez bien les articles : Tristane Banon ? Jamais entendu parler. Les débordements de DSK ? Quels débordements ? Le harcèlement de Mme Nagy au FMI ? Mme qui ? Il a travaillé au FMI, Strauss-Kahn, vous êtes sûr ? La tentative de greffe est menée à vitesse accélérée et sans négliger aucun moyen : c’est la grande opération Mains Propres, la réécriture-express des archives, le remballage de linge à toute berzingue et le Rewind à tous les étages. Marchera, marchera pas ? Les premières indications ne devraient pas tarder à tomber, sous forme de sondages. Affaire à suivre. Mais pour ma part,  je suis assez sceptique.

Enfin, pour conclure sur une note optimiste, il faut évoquer une greffe qui réussit pleinement: celle de l'architecture occidentale sur le sol chinois. J’ai déjà évoqué le savoir-faire enviable de la Chine pour les contrefaçons, savoir-faire qui va jusqu’à fabriquer des fausses armes virtuelles pour jeux vidéo. Eh ben, j’ai appris récemment que les Chinois contrefont carrément des villes entières. C’est ainsi que les huit cents habitants de Hallstadt, petit village autrichien, ont appris qu’une copie conforme de leur patelin est en cours de construction dans la province de Guangdong, au sud de la Chine.  Y compris le lac. Et l’église. Et ce n’est pas le premier cas : on signale déjà la contrefaçon, à trente kilomètres de Shangaï, d’une ville allemande façon Bauhaus et, dans la province de Sichuan, la contrefaçon de plusieurs quartiers de la ville anglaise de Bristol. Avec la cathédrale. Sans oublier certains quartiers de Shangaï même qui imitent Barcelone, Venise ou Oslo. Les Chinois viennent ainsi visiter l’Europe à deux pas de chez eux. Et faire des photos. En souvenir de leur beau voyage.

Vous ne trouvez pas que le niveau monte ?

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