09/07/2011

Logement.


Michel Zumkeller, législateur ichtyophile.
«Un départ toutes les minutes et dans toutes les directions». Dans les années 70, c’était le slogan d’une compagnie aérienne française aujourd’hui elle-même partie dans les limbes. Mais ça pourrait tout à fait convenir pour décrire l’état actuel de l’affaire DSK. Pas un jour, pas une heure, pas une minute sans que nous ayons droit à une info qui vient conforter, remplacer, annuler, contredire, mettre en doute, tempérer, renforcer, nuancer ou réduire à néant les infos des heures ou des minutes précédentes. Entre la victime new-yorkaise qui serait une pétasse milliardaire mariée à un caïd de la drogue, la victime française qui pourrait bien être employée par l’UMP, les collègues de la victime new-yorkaise qui auraient pu faillir être aussi des victimes, les associations afro-américaines qui veulent quasiment se porter partie civile ou la direction de l’hôtel qui aurait pu prêter la main à un complot qui aurait pu être organisé par l’Elysée, on n’en finit pas de haleter. Et j’en oublie au moins la moitié. Même Mme Aubry parle de «feuilleton». Sauf que, elle, elle emploie ce mot pour se moquer des péripéties législatives de l’UMP, justement. Comme quoi, elle ne doit pas bien savoir ce qui se passe chez elle. Sinon, à mon avis, elle aurait utilisé un autre terme. En attendant, un restaurant de Neuilly-sur-Seine vient de lancer le sandwich DSK («Double Saucisse Kacher») à grand renfort d’une publicité qui vante «sa grosse saucisse et ses petits oignons». Et qui montre une jeune Noire hésitant à prendre en bouche la saucisse en question. On ne fait pas plus raffiné. Neuilly-sur-Seine, comme chacun sait, c’est le fief de M. Sarkozy.  D’ici à ce que l’Elysée soit accusé d’être derrière le sandwich, y’a pas des kilomètres.

Et puisqu’on parle de bouffe, n’oublions pas cette affaire qui a mis une fois encore en lumière le grand cœur et la gestion philanthrope des distributeurs français. Dans un Monoprix de Marseille, un employé a récupéré pour son compte six melons et deux salades qui avaient été jetés à la benne. Il a été mis à pied avec menace de licenciement. Travaillant depuis huit ans chez Monoprix, à deux ans de la retraite, l’employé de 59 ans est père de six enfants. Déjà, le fait qu’un salarié à deux ans de la retraite en soit réduit à faire les poubelles en dit long sur la politique salariale de Monoprix. L’affaire a fait le tour d’Internet et a déclenché une vague de solidarité. Sans compter le soutien de la CGT locale. Finalement, dans un geste de clémence bien comprise, la direction du magasin a réintégré le salarié. C’est beau, humain et émouvant. Rappelons que Monoprix, qui appartient conjointement à Casino et aux Galeries Lafayette, a réalisé en 2010 un profit de 240 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 3,9 milliards. C’était notre minute : «Qui vole un œuf vole un bœuf».

Tandis que le grand banditisme progresse dans les Monoprix marseillais, les jeunes s’amusent un peu partout en France. Mode nouvelle : ils s’amusent en jouant aux Indiens. Ou aux cow-boys. Enfin, au Far-West. Grandeur nature. A Marseille, une vingtaine de bambins ont ainsi joué à Jesse James. Ils ont bloqué le TER local par un barrage de caddies et de poutrelles puis sont passés à l’attaque, armés de barres de fer. Ne pouvant pénétrer dans le TER, ils se sont rabattus sur un train de marchandises qui arrivait derrière et ont emporté quelques cartons sans grande valeur. Le crime ne paie pas. A Castres, une trentaine d’autres bambins ont attendu la nuit pour jouer à Fort Alamo en attaquant la caserne locale. Gaz lacrymogènes, matraques, pistolet à grenaille… Une enquête est en cours. A Champigny-sur-Marne, c’était carrément «Rio Bravo» avec l’attaque, à deux reprises, du commissariat de police par des bambins turbulents. La préfecture du département a évoqué un léger chahut.

Pendant ce temps, d’autres bambins achevaient de passer le bac. La plus jeune bachelière 2011 s’appelle Victoria, ce qui est assez légitime en l’occurrence. Elle a 13 ans et a obtenu la mention «Très Bien» sans être scolarisée, en faisant ses études chez elle. Peut-être que c’est plus facile comme ça. Sinon, le taux du réussite avant repêchage est cette année de l’ordre de 75%, toutes filières confondues. Après l’oral de rattrapage, il devrait être compris entre 85 et 87%. Ce qui veut dire qu’on a désormais moins d’une chance sur cinq de rater son bac quand on le présente. Le progrès fait des ravages ; rien d’étonnant à ce que le niveau monte. La preuve, c’est qu’une cinquantaine de lycéens un peu partout en France (dont douze sur l’académie de Lille) ont obtenu une moyenne supérieure à 20/20. Oui, oui : supérieure. Grâce aux épreuves facultatives, dont les points viennent s’ajouter à l’ensemble. Seuls rabats-joie, les responsables de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) signalent que «on constate une perte de compétences aussi bien chez les (élèves) les plus forts que chez les plus faibles » et que «les bacheliers manquent de préparation et d’aptitude à l’enseignement supérieur». N’importe quoi. Ces gens de la CGE ne doivent pas lire les bons journaux.

Et que deviennent les bacheliers qui font de belles études ? C’est selon. Certains deviennent députés, et s’intéressent alors aux grandes questions sociales. C’est le cas de M. Zumkeller, député UMP de Belfort. M. Zumkeller vient d’interpeller le ministre de l’Agriculture pour lui demander l’interdiction des boules-aquariums. «À l'époque où le bien-être des animaux est un sujet plus que jamais à l'ordre du jour, il (M. Zumkeller) souhaite savoir pourquoi les «boules aquariums», ces boules de verre «primitives» sont encore vendues couramment à des personnes qui n'ont aucune notion des conditions optimales nécessaires au maintien des poissons d'aquariums. L'absence de filtration, explique M. Zumkeller, très au courant, entraîne au mieux des changements d'eau très fréquents à partir d'eau du robinet souvent et malheureusement non déchlorée. Au bout de quelques semaines, si les poissons ont survécu, ce changement se fera uniquement lorsque l'eau du bocal deviendra nauséabonde ou lorsque les poissons piperont l'air en surface, preuve qu'il faut agir, s'il en est encore temps». C’était notre minute : «l’UMP se préoccupe des mal-logés».

Et puisqu’on est dans la grande politique, évoquons rapidement notre fête nationale qui, cette année encore, tombera un 14 juillet. Cette année, à Paris, le 14 juillet sera à thème. Et quel sera le thème choisi par la mairie de Paris pour célébrer la fête nationale française ? Ce sera : «Les comédies musicales d’Hollywood». Ils ont dû penser, les édiles parisiens, que ça plaira aux touristes.

Il fait quoi, déjà, le niveau ?

02/07/2011

Greffes.


Nicolas Hulot et Nicolas Demorand, greffons en cours de rejet.
Ces derniers temps, l’actualité nous offre un certain nombre de cas de greffes. Des qui marchent, des qui marchent pas, des qui ont failli marcher, des qu’on sait pas encore trop… Petit tour d’horizon.

Les cas de rejet, d’abord. Le premier, c’est chez Europe Ecologie-Les Verts (EELV pour les intimes). En gros, il s’agissait de greffer une sorte de grand poireau d’origine amazonienne, le Hulotus Avantagœsus, dans un champ de pastèques aussi splendidement rouges à l’intérieur que vertes à l’extérieur. Tout semblait bien se passer, les experts se montraient confiants, les responsables de l’opération avaient déjà sorti le champagne quand, patatras !... on apprend mercredi dernier que la greffe a finalement foiré. Le poireau se serait heurté à une espèce de ronce nordique, un peu épineuse et pas franchement comestible, mais apparemment beaucoup plus pastéquo-compatible que lui. Une seconde tentative est prévue pour la semaine prochaine, mais les pronostics sont assez réservés.

Le second cas de rejet a été observé dans un champ de navets cultivé sous serre depuis des années. Je veux parler de la rédaction de «Libération». On sait que ce journal, comme la quasi-totalité de ses petits camarades, perd de l’argent à pleins tonneaux. Pour essayer de redresser la situation, M. Rothschild, actionnaire principal, a décidé de nommer à la direction du titre M. Nicolas Demorand. Or, M. Demorand, agrégé de lettres, licencié en philosophie et ancien prof, est un homme cultivé, plutôt pas bête et, en tant que journaliste, plutôt famillier de l’audio-visuel puisqu’il a fait l’essentiel de sa carrière sur France Culture, France Inter, i>Télé, France 5 ou Europe 1. En outre, il semble effectivement décidé à réduire les pertes financières du journal. Intelligent, sachant écrire, gestionnaire et de culture audio-visuelle… Bref, un profil en rupture complète avec la rédaction de «Libé». Au moment de son arrivée, les journalistes ont voté. M. Demorand a obtenu 118 voix en faveur de sa candidature pour 90 contre. C’était début mars, et c’était déjà serré. Cette semaine, la même rédaction a voté contre lui une «motion de défiance». 79% des 208 journalistes se sont exprimés, et 78% d’entre eux ont voté pour la motion. Et donc, contre M. Demorand. D’après «Le Monde», on lui reproche l’embauche en CDD d’un ancien collaborateur à lui et, je cite, «un projet de refonte des dernières pages du journal (…) plus susceptible d’attirer des annonceurs mais qui ne serait pas en phase avec la culture du journal». Pour mémoire, la «culture» du journal, jusqu'à il y a peu, c’était M. Joffrin, parti depuis quelques mois faire le malheur du «Nouvel Obs». C'est dire l'ampleur du travail. M’étonnerait que M. Demorand reste très longtemps planté dans ce champ-là.

Les tentatives de greffe, maintenant. La première a lieu dans un autre champ de navets, mais nettement plus prospère et en bien meilleure forme : la rédaction de TF1. La chaîne envisage de créer une émission d’actualité satirique. Rien que cette info a de quoi surprendre : de la satire politique, sur la chaîne de M. Bouygues, on n’avait pas vu ça depuis dix-sept ans, lorsque le Bebête Show et les calembours accablants de l’accablant duo Collaro/Roucas se sont interrompus. Mais ce n’est pas tout. Plus remplis que jamais de créativité et d’audace, les Bouygues-boys n’ont rien trouvé de mieux que d’aller débaucher un histrion de la concurrence. En l’occurrence, le dénommé Canteloup qui officie, paraît-il, aux Guignols de l’Info sur Canal+. L’intéressé a accepté sans y voir malice. Fureur de Canal+, qui gueule à la concurrence déloyale et somme ledit Canteloup de choisir son camp. Psychodrame dans un verre à dents. Bon. Moi, c’est pas mes oignons mais, à la place de M. Canteloup, je garderais ma place à Canal. Parce que, TF1, c’est M. Bouygues et M. Bouygues c’est le pote en chef de M. Sarkozy et 2012 c’est dans six mois et c’est l’année où M. Sarkozy va chercher à être réélu. Autant dire que la satire politique, sur TF1, en 2012, elle risque d’être méchamment encadrée. C’est-à-dire, encore plus que sur Canal. Il y a des greffes qui ne valent pas toujours la peine d’être tentées.

L’autre tentative de greffe à laquelle on assiste depuis deux jours est une greffe à EHI (efforts hautement intensifs). Il s’agit de regreffer M. Strauss-Kahn dans le cœur des Français après l’en avoir arraché sans beaucoup de ménagements voilà seulement six semaines. Rappelons que dans les jours qui ont suivi son arrestation, le 14 mai dernier, les Français ont assisté avec un peu d’ahurissement à un véritable torrent de révélations concernant les débordements sexuels de l’ex-grand homme du PS. Entre une journaliste qui avait frôlé le viol, un permanent socialiste expliquant qu’on n’osait pas laisser DSK tout seul avec une femme et une attachée parlementaire racontant qu’elle avait pris des cours de karaté avant d’approcher le bonhomme, c’était à qui aurait l’anecdote la plus croustillante. Tout le monde savait, tout le monde s'était tu mais tout le monde n'en pensait pas moins et depuis fort longtemps. Or, la justice américaine semble remettre en cause l’accusation dont notre DSK est victime. Et du coup, dans la presse française, tout le reste est oublié. Ecoutez bien les journaux, lisez bien les articles : Tristane Banon ? Jamais entendu parler. Les débordements de DSK ? Quels débordements ? Le harcèlement de Mme Nagy au FMI ? Mme qui ? Il a travaillé au FMI, Strauss-Kahn, vous êtes sûr ? La tentative de greffe est menée à vitesse accélérée et sans négliger aucun moyen : c’est la grande opération Mains Propres, la réécriture-express des archives, le remballage de linge à toute berzingue et le Rewind à tous les étages. Marchera, marchera pas ? Les premières indications ne devraient pas tarder à tomber, sous forme de sondages. Affaire à suivre. Mais pour ma part,  je suis assez sceptique.

Enfin, pour conclure sur une note optimiste, il faut évoquer une greffe qui réussit pleinement: celle de l'architecture occidentale sur le sol chinois. J’ai déjà évoqué le savoir-faire enviable de la Chine pour les contrefaçons, savoir-faire qui va jusqu’à fabriquer des fausses armes virtuelles pour jeux vidéo. Eh ben, j’ai appris récemment que les Chinois contrefont carrément des villes entières. C’est ainsi que les huit cents habitants de Hallstadt, petit village autrichien, ont appris qu’une copie conforme de leur patelin est en cours de construction dans la province de Guangdong, au sud de la Chine.  Y compris le lac. Et l’église. Et ce n’est pas le premier cas : on signale déjà la contrefaçon, à trente kilomètres de Shangaï, d’une ville allemande façon Bauhaus et, dans la province de Sichuan, la contrefaçon de plusieurs quartiers de la ville anglaise de Bristol. Avec la cathédrale. Sans oublier certains quartiers de Shangaï même qui imitent Barcelone, Venise ou Oslo. Les Chinois viennent ainsi visiter l’Europe à deux pas de chez eux. Et faire des photos. En souvenir de leur beau voyage.

Vous ne trouvez pas que le niveau monte ?

30/06/2011

Progrès.


Pascal Lamy, socialiste de progrès.
Tout récemment, dans la Presse, une nouvelle proprement stupéfiante. Il paraîtrait que, crise ou pas crise, les Carrefour, Leclerc et autres géants de la distribution s’en mettent plein les fouilles en affamant non seulement les producteurs, mais les autres intermédiaires. C'est ce qui ressort d’un rapport publié par l’Observatoire des Prix et des Marges, un service du ministère des Finances. Pour donner une idée, la viande de porc : entre 2000 et 2010, la part des éleveurs dans le prix final est passée de 45 à 36%, celle des abattoirs de 11 à 8,8% et celle des distributeurs de 39 à 55%. Même topo, ou peu s’en faut, pour le lait, les fruits et les légumes. Si on veut bien se rappeler que Carrefour a été récemment condamné à 3,6 millions d’euros d’amende parce qu’il décomptait les pauses-pipi du temps de travail de ses employés, et que la même mésaventure pend actuellement au nez d’Auchan, d’Intermarché ou de Leclerc ; si on sait que bon nombre de caissières de Carrefour sont à temps partiel et touchent le RSA ; si on apprend que Carrefour a fait en 2010 un bénéfice net de 382 millions d’euros, en progression de 11,2% sur 2009 et si on se rappelle que son actuel PDG, M. Lars Olofsson, est payé près de 3 millions d’euros par an (hors stock-options et actions gratuites), on se dit que les salariés du groupe ont parfois du mérite à positiver.

Et puisqu’on parle de philanthropie, je m’en voudrais de ne pas évoquer M. Pascal Lamy. Pour les distraits, je rappelle que M. Lamy est le directeur général de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), comme qui dirait le grand-prêtre de la dérégulation des échanges et du laisser-faire-laisser-passer général et accéléré dont nous sommes témoins depuis une dizaine d’années. Interviewé par Le Monde, M. Lamy déclare sans ambage que «la démondialisation est un concept réactionnaire». Réactionnaire. Il n’a pas dit «fasciste», mais on sent bien qu’il n’aurait pas fallu le pousser beaucoup. Et pourquoi ce concept est-il réactionnaire ? «Parce que, répond M. Lamy, le phénomène est parti pour durer». Le phénomène en question, c'est, on l'aura compris, la mondialisation. Donc voilà : lutter contre un truc qui est parti pour durer, aux yeux de M. Lamy, c’est réac. Par exemple, au XVIIIème siècle, une variole ou un choléra, c’était parti pour durer. Et inventer des vaccins pour les éradiquer, ben, à en croire M. Lamy, c’était réac. Pareil avec l’incendie de Rome : c’était parti pour durer et Néron, qui était tout sauf réac, a laissé cramer la moitié de la ville. En chantant. Néron et M. Lamy sont de vrais amis du progrès. D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit de lire la suite de l’interview : «Compétitivité salariale indue ? Pas évident, nous dit M. Lamy en tordant le nez, même si la Chine emploie pour le même prix huit salariés quand l’Europe en rémunère un seul». Donc, un salarié chinois travaille beaucoup plus d’heures qu’un salarié européen, coûte en moyenne huit fois moins cher, n’a ni couverture sociale, ni protection juridique mais tout cela, pour M. Lamy, ne saurait être considéré comme du dumping social. Pour la petite histoire, rappelons que M. Lamy, nommé directeur général de l’OMC en 2005, a été reconduit à cette fonction en 2009 suite à un vote par acclamations des 153 membres. C’est dire. A part ça, M. Lamy est un membre important du parti socialiste. Ce doit être ça qu'on appelle le socialisme de progrès.

Bon, changeons de sujet… Ce matin, parmi mes e-mails, je trouve un message d’une certaine Patricia Lelou, intitulé «Votre dossier». Intrigué, je l’ouvre. Un texte m’informe que ma demande de crédit a bien été étudiée et que, pour pouvoir se prononcer, l’organisme a besoin de davantage de renseignements. En conséquence, je suis invité à cliquer sur la flèche qui va bien, là, en bas, pour remplir les différents champs qui me permettront de fournir lesdits renseignements. Rien à dire, si ce n’est que je n’ai jamais fait la moindre demande de crédit ni déposé le moindre dossier, complet ou pas, auprès de cet organisme. Apparemment, c’est le dernier cri en matière d’e-mailing : désormais, pour vous appâter, on vous fait croire que vous avez déjà fait la moitié du chemin. Ou alors, on table sur votre goût du challenge, ou sur votre fierté, en vous donnant l’impression que vous pourriez ne pas être accepté. Ou encore, dernière hypothèse, le gars qui cherche de nouveaux clients en a tellement marre de se faire jeter qu’il tente de se consoler en inversant la démarche et en se faisant croire à lui-même que c’est lui qui jette les clients. En tout cas, ça me semble nouveau, comme façon de faire. J’imagine bien ça dans le métro, le Rom de service qui s’approche de vous et qui vous dit : «Ecoutez, en principe c’est non, mais comme vous avez une bonne tête j’accepterai que vous me donniez un ticket-restaurant à condition qu’il fasse 12 € minimum». Ça ne manquerait pas de chic. Je me demande si ça va se généraliser.

Un truc récent qui semble se généraliser, par contre, c’est le «jeune adulte». Je sais pas si vous l’avez remarqué, celui-là. Jusqu’à il y a peu, quand la Presse nous décrivait (ou plutôt, ne nous décrivait pas) les auteurs de faits-divers violents et autres incivilités plus ou moins sanglantes, elle évoquait des «jeunes». Eh ben, depuis quelques mois, j’ai remarqué qu’elle – la Presse, donc – parle volontiers de «jeunes adultes». Comme je ne pense pas que la moyenne d’âge des incivils ait subitement augmenté, j’en conclus qu’il y a là, soit un nouveau tic journalistique, soit l’obéissance à des instructions précises. Ben oui : une bande de «jeunes» qui casse une vitrine ou cogne sur un policier, ça fait un peu collégien en goguette, caprice passager et gaminerie sans conséquences. Tandis que la même chose de la part de «jeunes adultes», je sais pas si vous sentez bien la nuance, mais c’est tout de suite plus grave. Pour un ministre de l’Intérieur résolu à taper du poing sur la table et à sortir du répressif à grands jets de Kärcher, c’est quand même plus sympa de s’attaquer à des «jeunes adultes» plutôt qu’à des jeunes tout court. Le seul pour qui ça ne fait pas vraiment de différence, en fait, c’est la victime : se faire démolir à coups de poings et de pieds par trois costauds qui vous piquent votre portefeuille, ça ne met pas vraiment en condition pour se poser des questions d’état-civil. Remarquez, il y a une autre hypothèse : peut-être que «jeune adulte», au fond, c'est rassurant. Etre agressé par des gamins de douze ou quinze ans, ça vous a un côté Orange mécanique qui fout un peu la trouille. Tandis qu'un «jeune adulte», lui, on peut toujours se dire qu'il a l'âge légal pour vous casser la gueule. Ça réconforte.

Et à propos de jeunes adultes, une devinette : que deviennent les anciens jeunes semi-illettrés que l’Education nationale balance désormais dans la nature à chaque lendemain de bac ? Réponse : c’est selon. Certains font des études longues et atterrissent dans des entreprises qui, de plus en plus, s’effarent de leur orthographe catastrophique et organisent désormais des stages de formation pour remédier aux carences de notre merveilleux système éducatif. Et les autres ? Eh ben, désormais, ils pourraient bien devenir enseignants. C’est en tout cas l’avis de M. Jacques Grosperrin, député UMP du Doubs et responsable d’une mission d’information sur le recrutement des enseignants. Il faut dire que le métier en est arrivé à un tel point que, ces derniers temps, il y avait pour ainsi dire moins de candidats que de postes à pourvoir. D’où le constat qu’il n’est peut-être plus aussi utile qu’avant d’organiser des concours de recrutement. On pourrait, dit M. Grosperrin, supprimer l'agreg et autres concours et «se contenter d’un entretien professionnel». D’autant – ça, c’est moi qui l’ajoute – qu’un entretien oral permettra de ne pas évaluer l’orthographe du recruté. C’est certainement plus prudent. Seront ainsi admis à enseigner des jeunes adultes semi-illettrés qui contribueront à répandre et à faire prospérer leur carences linguistiques. Après quelques années de ce régime, les dégâts seront devenus irréversibles et on pourra alors, sereinement, procéder à la grande réforme orthographique (lisez : simplification) rêvée par M. Meirieu et ses épigones. Et la boucle sera bouclée.

C’est comme ça que le niveau monte.

25/06/2011

Arrangements.

Emile Vernaudon, père fatigué.
Il s’appelle Emile Vernaudon. Il habite à Tahiti, en Polynésie française. Il en a été élu député par deux fois, une fois en 1988 et l’autre en 1997. Apparemment, il en a bien profité, puisque la cour d’appel de Papeete (Tahiti) vient de le condamner à cinq ans de prison, et 83 000 euros d’amende pour complicité de détournement de fonds publics. On lui reproche d’avoir piqué, à son profit ou à celui de son parti, près d’un million d’euros dans la caisse de l’Office local des Postes et Telecom, dont il avait la tutelle. Son avocat a indiqué qu’il n’ira pas en cassation, mais qu’il demandera une libération conditionnelle en arguant, je cite, «de l’état de santé de son client et de sa récente paternité». M. Vernaudon a 67 ans. D’aucuns penseraient qu’une «récente paternité» à 67 ans témoigne plutôt d’une belle santé et d’une vigueur enviable, mais non. Sans doute que cette paternité l’aura fatigué, M. Vernaudon : les biberons en pleine nuit, les couches, tout ça… M. Vernaudon doit être ce qu'on appelle un nouveau père.    

Continuons dans les petits arrangements politiques : à Paris, comme on sait, le logement coûte cher. Très cher même. D’où les très nombreuses demandes de logement social, à loyers modérés, et les listes d’attente longues comme des jours sans pain qui en découlent. Et bien entendu, la volonté farouche de ceux qui ont bénéficié d’un tel logement, de s’y cramponner jusqu’à la mort et même après si possible. On vient de découvrir que c’est le cas de bon nombre de gens, aux revenus fort confortables par ailleurs. Des hommes et des femmes politiques. Ou des amis d’hommes et de femmes politiques. M. Chevènement, par exemple, touche plus de 7 000 euros par mois pour sa seule fonction de sénateur et occupe dans le Vème arrondissement un appartement de 120 m2 qu’il loue 1 271 euros/mois. Mme Batho, députée PS proche de Mme Royal, a moins de chance : son 110 m2 est situé dans l’humble XIXème et lui coûte 1 524 euros/mois. Mme Amara dispose d’un 50 m2 dans le XIIIème qu’elle paie 525 euros/mois. Bon, là, je cite plutôt des gens de gauche, mais il paraît que c’est une situation assez partagée. On se souvient peut-être que, en d’autres temps, de telles histoires sont venues troubler la quiétude de M. Juppé - alors Premier ministre - ou de M. Gaymard, éphémère ministre de l’économie et des Finances. Apparemment, les gouvernements s’en vont, les bonnes habitudes restent.

Arrangements toujours : vendredi dernier, cinq hauts fonctionnaires dont deux anciens directeurs de cabinet ministériel et un recteur d’académie ont dû s’expliquer devant la Cour des comptes. Pour des histoires d’emplois fictifs. A l’Education nationale. En gros, il existe dans l’EN un poste appelé «Inspecteur de l’Académie de Paris» qui a la double particularité de ne servir absolument à rien et d’être rémunéré entre 4 500 et 6 000 euros par mois. Du coup, ce poste intéressant sert (je cite la Cour des comptes) «à permettre des nominations de collaborateurs d’autorités politiques» afin de (je cite toujours la Cour des comptes) «garantir aux personnes ainsi nommées une rémunération pérenne, quels que soient l’endroit et la manière dont elles exerceraient par la suite leurs activités». En clair : de 4 500 à 6 000 euros qui vous tombent chaque mois dans la poche sans aucune contrepartie, à vie, et quels que soient par ailleurs votre activité et votre revenu. Parmi les heureux bénéficiaires du système, sont cités des membres de la direction du PS, une proche de M. Chirac, un proche de M. Sarkozy ou un ancien membre du cabinet de M. Darcos. Les cinq hauts fonctionnaires en question risquent des amendes. Ils ont le sentiment, paraît-il, qu’on leur fait «porter le chapeau». Voilà ce qu’on peut appeler des fonctionnaires lucides.

Et pendant qu’elle paie des «Inspecteurs» à ne rien faire et à vie, l’Education nationale vit des épisodes baroques. A Castillon-la-Bataille (Gironde) les collégiens doivent démontrer que, conformément au programme, ils ont appris au cours de leur scolarité à «nager dix mètres sur le ventre et sur le dos et à passer sous un objet flottant». Et comme la piscine de Castillon-la-Bataille est fermée depuis deux ans et qu’il n’y en a pas à proximité, le professeur du collège concerné fera passer l’épreuve sur gazon. Dans un parc. Avec des lignes dessinées sur le sol pour matérialiser les couloirs. Pour attirer l’attention des pouvoirs publics. De ce point de vue là, il semble avoir réussi. L’histoire ne dit pas si les collégiens devront vraiment se mettre en maillot.

Pendant que, faute d’eau, des professeurs inventent la natation sur herbe, le ministre de l’EN doit se dépêtrer d’une histoire de fuite. Pas de fuite d’eau, mais de fuite au Bac. Une question de l’énoncé de Maths ayant été diffusée sur Internet la veille de l’examen il a fallu décider. Annuler toute l’épreuve et faire replancher 160 000 élèves ? Annuler la question ? Répartir les points de la question sur les autres questions ? De toute façon, n’importe quelle décision, dans un sens ou dans l’autre, ferait des mécontents. M. Chatel a décidé d’annuler la question. Il a fait des mécontents. Qui ont décidé de porter plainte devant le tribunal administratif. Et de faire une pétition. Laquelle a déjà, paraît-il, recueilli plus de 15 000 signatures. L’argument de ces protestataires est que «certains élèves ont passé deux heures sur cette question» et que cette décision les pénalise. Deux heures, soit 50% du temps imparti pour l’ensemble de l’épreuve. Alors que la question rapportait quatre points sur vingt, soit 20% du total. C'est nul, comme rendement. Et on voudrait que des élèves capables d’un tel calcul décrochent leur bac S !

Le niveau monte.

21/06/2011

Caméras.

Georges Tron, harceleur médiatique ?
Cet après-midi, vers 12h30, j’étais à Versailles. Je me promenais Avenue de Paris. Devant un porche en pierre marqué «Hôtel de Police» (avec les majuscules), j’avise un attroupement. Il y avait bien quarante personnes, debout à attendre. Avec des caméras et des micros. Sous la petite pluie fine et pénétrante. Certains avaient des parapluies ; d’autres pas. A voir leurs têtes à tous, ils étaient là depuis déjà un sacré bon moment. Toutes les caméras, tous les micros étaient braqués vers le porche, dans l’attente d’une personne qui, je suppose, finirait tôt ou tard par en sortir.


Comme je suis très badaud, je me suis approché d’un des types et je lui ai demandé la raison de l’attroupement. Il m’a regardé comme si j’arrivais de Saturne, et il m’a répondu : «C’est Georges Tron. Il est interrogé ici».

Miracle de l’info, je n’ai pas eu besoin d’en entendre plus pour comprendre. Tron, vous le savez sans doute tous comme moi, ce n’est déjà plus le film plein d’effet spéciaux et de jolies lumières dont les studios Disney nous ont gratifiés il y a quelques mois. Tron, aujourd’hui, c’est l’homme politique accusé d’avoir caressé contre leur gré les pieds de certaines employées de sa mairie. L’affaire, révélée dans la foulée de celle concernant DSK, monte tranquillement en puissance. A preuve, les quarante et quelques caméras ou micros à pattes qui campaient cette après-midi-là à Versailles.

Quarante et quelques. Le pauvre Tron n’en a probablement jamais eu autant lorsqu’il sortait de Matignon, en tant que secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique. Ni encore moins sur le perron de sa petite mairie de Draveil. A quoi tient la gloire médiatique, quand même…

Je me suis approché d’un type qui marinait derrière une caméra, sous un parapluie détrempé. Comme il y avait marqué «France 2» sur le parapluie et que la caméra portait un autocollant «France 2», j’ai supposé qu’il travaillait pour France 2. Et j’ai entamé la conversation, d’un ton gentil :
-        Ça fait longtemps que vous êtes là ?
-        Ouais… Ça fait plus d’une heure.
-        Et vous allez rester longtemps ?
-        Ben, on sait pas. On attend qu’il sorte…
-        Georges Tron ?
-        Ben oui.
-        Et ce sera long ?
-        Aucune idée…
Ça fait déjà pas mal, comme échange, mais vu qu’il ne se passait absolument rien, le type avait l’air plutôt content de pouvoir causer un peu. J'imagine que ça devait rompre la monotonie de l’attente. Donc, j’ai continué :
-        Et tous les autres, là, France 3, TF1, M6, Direct Truc… Ils attendent aussi Georges Tron, donc ?
-        Ben oui.
-        Et ils sont arrivés en même temps que vous ?
-        Non. Y’en a qui étaient là avant.
-        Ah… (un silence) Et donc, vous êtes tous là depuis plus d’une heure et pour encore un certain temps, pour prendre des images de Georges Tron sortant de l’Hôtel de Police ?
-        Oui, et peut-être aussi un commentaire. Mais ça m’étonnerait.
-        Mais du coup, vous aurez tous les mêmes images ?
-        Ben oui, bien sûr.
-        Et s’il fait un commentaire, ce qui est assez peu probable d’ailleurs, vous aurez tous le même commentaire ?
-        Ben oui, c’est forcé.
-        Donc vous êtes là à plus de quarante depuis ce matin, sous la flotte, pour ramener tous les mêmes images à vos chaînes, qui passeront toutes les mêmes images au journal de ce soir ?
-        Ben ouais…
Arrivé là, le type a eu comme un petit regard triste. On aurait dit un gros chien mouillé qui vient de se faire marcher sur la queue et qui ne comprend pas très bien comment ni pourquoi, mais qui ressent tout de même un vague malaise. Je crois qu’il a pigé tout seul que la question qui venait après, en bonne logique, et que je ne lui poserais pas, c’était : «Et vous ne trouvez pas que vous faites un métier de con ?».

Parce que, oui, au fond : à quoi ça rime, cette débauche soudaine d’images ? Image de Georges Tron sortant d’un interrogatoire, de Georges Tron traversant un trottoir, de Georges Tron montant dans un fourgon… Qu’est-ce que ça nous apprend ? Et à quoi ça rime, ce panurgisme ? Pourquoi toutes les chaînes jugent-elles indispensable de faire réaliser, puis de diffuser ces images que rien ne distinguera de celles de la chaîne concurrente ? Et pourtant, tous les journalistes, tous les rédacteurs-en-chef, tous les responsables d’infos seront d’accord : oui, ce jour-là, à cette heure-là, à cet endroit-là, il fallait avoir une caméra, un micro et un journaliste.

Le niveau monte.

19/06/2011

Précautions.


Laurent Ruquier, responsable précautionneux.
Au menu d’aujourd’hui, quelques applications intéressantes du principe de précaution.

Efficacité d’abord. A Roissy, les douaniers ont saisi 162 kg de thé radioactif en provenance du Japon. Les sympathiques petites feuilles présentaient – si j’ai bien compris – une teneur en césium deux fois supérieure à ce qu’autorise l’UE. Le thé en question provient de la préfecture de Shikuoza. J’ai regardé sur une carte : Shikuoza, ça se trouve à 4 ou 500 km au sud-ouest de Fukushima. D’où question : le thé de Shikuoza est-il radioactif à cause de l’accident de Fukushima (auquel cas la radioactivité fait des bonds impressionnants) ou bien l’est-il depuis belle lurette et vient-on seulement de s’en apercevoir à la faveur des contrôles mis en place suite à la catastrophe de Fukushima ? M’est avis que je n’aurai pas la réponse avant un bon moment.

Nucléaire et principe de précaution, toujours : invité à une émission de télé pour y débattre du nucléaire avec un opposant à ce type d’énergie, M. Eric Besson, notre actuel ministre de l’industrie, est parti au bout de dix minutes. Apparemment, il a préféré s’en aller avant de devoir affronter des questions agaçantes. C’est ce qu’on appelle une sage application du principe de précaution : s’en aller pour ne pas être exposé aux questions qu’on risquerait de vouloir vous poser. Gageons que la démarche va faire école.

Autre application du même principe : M. Ruquier a décidé de ne pas reconduire le célèbre tandem Zemmour-Naulleau dans son émission télévisée hebdomadaire. On connaît en effet la tendance de M. Zemmour aux petits débordements. Donc, désormais, si débordements il y a, ce ne sera plus dans l’émission de M. Ruquier et voilà, voilà, voilà, on veut bien faire de l’audience mais il y a des limites à tout, quand même et  après ça, vous ne pourrez pas dire qu’on plaisante avec l’éthique. Et au lieu de virer seulement Zemmour, M. Ruquier a décidé de virer aussi Naulleau. Peut-être qu’ils étaient vendus en lot et que c’est les deux ou rien. Ou, peut-être que M. Ruquier a craint une éventuelle contamination du second par le premier. En tout cas, il a viré Zemmour ET Naulleau. On voit que, pour M. Ruquier, deux précautions valent mieux qu’une.

Précaution politique, maintenant : l’UMP, par la plume du député Edouard Courtial, a officiellement demandé à la CNIL d’interdire la primaire envisagée par le PS. L’argument invoqué, c’est que le PS risquerait de se constituer un fichier des agents territoriaux qui ne sont pas de sensibilité PS. Pour les en punir ensuite en nuisant à leur carrière. Ceux qui ne participeraient pas à la primaire étant catalogués ipso facto comme opposants au PS. C’est l’UMP qui le dit. Voilà une crainte qui en dit long sur la conception UMP des choses : si tu ne votes pas pour ma primaire, c’est que tu es contre moi. Et puisque tu es contre moi, je vais nuire à ta carrière. En somme, l’UMP demande à la CNIL d’interdire la primaire PS pour empêcher le PS de faire ce que l’UMP ferait si elle était à la place du PS. Bon, moi, je ne sais pas ce que donnera la primaire PS mais, déjà, je crois que je ne voterai pas UMP. Par précaution.

Passons à la précaution religieuse : lassés d’être toujours enquiquinés par des histoires de pédophilie, les evêques catholiques se sont résolus à prendre le taureau par les cornes. L’église catholique va donc mettre en place un centre d’e-learning qui fournira aux religieux, prêtres et religieuses du monde entier les informations et les «bonnes pratiques» sur le sujet. Pour les aider à reconnaître un cas de pédophilie. Si jamais il leur arrivait d’en croiser un. On n’est jamais trop prudent.

Et pour finir, cette info qui nous arrive tout droit d’un rapport réalisé à la demande de la Commission européenne : la France est championne d’Europe pour le marché du cours à domicile et du soutien scolaire. Très loin devant l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne ou l’Italie. Pour donner une idée : le marché espagnol, qui serait le troisième, représenterait à peine 20% du marché français pour une population équivalant à 80% de la nôtre. Révélation d’autant plus inattendue que, tous les pédagogues vous le confirmeront, notre système scolaire est un des plus efficaces du monde et que ses performances font l’admiration envieuse de tous nos voisins. Comment expliquer alors cette rage de soutien scolaire et de cours particuliers ? Il faut vraiment que les parents d’élèves français aient le principe de précaution chevillé au corps.

Enfin, l’important, c’est que le niveau monte.

17/06/2011

Politique


Bernard-Henri Lévy, souteneur politique.
 Aujourd’hui, un certain nombre de petits événements politiques.

Commençons par le plus important : Bernard-Henri Lévy, notre entarté national, a fait savoir qu’il soutient désormais Martine Aubry. J’écris «désormais» car il avait d’abord affirmé son soutien à Mme Royal, avant de le transférer à M. Strauss-Kahn. Nul doute que ce soutien de poids, apporté par l’une de nos figures intellectuelles les plus conséquentes, réjouira Mme Aubry. Et attendons avec impatience de connaître vers qui se porteront les soutiens d’autres figures d’importance intellectuelle équivalente : Guy Bedos, Steevy Boulay et Casimir.

Sinon, Mme Lauvergeon, patronne d’Areva, vient d’être débarquée au profit de son n° 2. Sur ordre de l’Elysée. Cette décision est l’avant-dernier mouvement d’une petite combinaison visant à démanteler Areva pour mettre la filière nucléaire française dans les mains d’EDF. Et surtout de Bouygues, qui prévoit de développer une offre de centrales nucléaires «clé en main» en absorbant la filiale d’Areva appelée «NP».  Cette affaire-là dure depuis près de trois ans. Et sera très, très juteuse pour Bouygues. Et n’avançait pas, à cause du refus obstiné de Mme Lauvergeon à voir démanteler son entreprise. Mais bien entendu, le fait que M. Martin Bouygues est l’un des plus chers amis de M. Sarkozy n’a rien à voir dans l’histoire.

Et puisqu’on parle de M. Sarkozy, je m’en voudrais d’oublier cette anecdote : il paraît que désormais «l’antisarkozysme est une forme d’antisémitisme qui ne s’assume pas». On admirera le sens de la nuance, l’inattendu de la formule et l’ingéniosité du rapprochement. Notez, celui qui affirme ça doit s’y connaître, puisqu’il s’agit de M. Patrick Buisson, ancien directeur de Minute, zélateur de l’OAS, admirateur de Jean-Marie Le Pen à qui il a consacré un livre de photos, proche conseiller de M. Sarkozy et, à ce titre, inspirateur de la création d’un ministère de l’Identité nationale. A ses moments perdus, M. Buisson dirige également la confidentielle chaîne de télévision Histoire, laquelle chaîne a recu près de 300 000 euros de subvention du ministère de la Culture et appartient à 100% au groupe TF1, qui lui-même appartient à… Martin Bouygues. Vous voyez comme tout ça tient bien ?

Continuons avec la politique. Chez Europe Ecologie-Les Verts (EELV pour les intimes), ça débat à fond la caisse entre prétendants à l’investiture. Et la fièvre monte. Lors du dernier débat, Mme Joly a dit que M. Hulot parle plus qu’il n’agit. M. Hulot a rétorqué qu’il ne faut pas confondre «combat avec coups bas». Les partisans d’un troisième postulant, M. Lhomme, ont publié un communiqué pour dénoncer «la violence inouïe» de cet échange. Sans rire : la violence inouïe. Je suggère à M. Lhomme et à ses copains d’aller jeter un œil sur ce qui se disait ou s’écrivait en fait de dialogue politique sous la IIIème république, chez les Léon Daudet, Octave Mirbeau, Léon Bloy et autres Julien Benda. Ils verront qu’en fait de violence verbale, M. Hulot et Mme Joly ont encore un petit poil de marge. Mais bon, ça amuse la galerie. Quant au fond, ces braves gens débattent gravement de mariage homosexuel et de dépénalisation du cannabis, sujets sur lesquels ils sont tous d’accord et dont les Français, dans leur vie quotidienne, se soucient comme d’une guigne. Bref, ils font comme ils faisaient avant que M. Cohn-Bendit vienne les organiser.

Pendant que les défenseurs de l’écologie s’amusent entre eux, et sans que cela les fasse réagir outre mesure, le Conseil National de l’Alimentation (CNA) donne son feu vert à la réintroduction de farines animales dans l’alimentation des bestiaux d’élevage. Ce CNA est composé de 57 membres représentant aussi bien les associations de consommateurs que les producteurs, les éleveurs, les distributeurs, les restaurateurs… Rappelons que l’alimentation à base de farines animales a été dénoncée, voilà dix ans, comme la cause de la crise de la vache folle. Il paraît, d’après le CNA, que «les conditions sanitaires ayant conduit à l’interdiction (des farines animales) dans l’alimentation des animaux destinés à la consommation humaine ne sont plus d’actualité». Ne sont plus d’actualité. Voilà, voilà, voilà… Moi, il me semblait bien que deux ou trois histoires de concombres, de graines germées ou de steak hachés tueurs avaient récemment attiré l’attention du public sur les questions de sécurité alimentaire, mais bon… Si les gens qui savent disent que «ce n’est plus d’actualité», il n’y a aucune raison de ne pas les croire.

Pour rester dans l’écologie efficace, signalons aussi que le gouvernement français vient d’autoriser la mise sur le marché du Cruiser OSR. Vous ne connaissez pas ? Le Cruiser OSR est un pesticide qui sera désormais employé dans la culture du colza. Il semble avéré qu’il est d’une très grande efficacité, puisqu’on le retrouve encore, trois ans après épandage, dans la sève et les fleurs des plantes traitées, ce qui lui permet de détruire les abeilles par paquets de mille. Les apiculteurs, dont la pétition anti-Cruiser avait récolté plus de 200 000 signatures, ne sont pas très contents. Pendant ce temps, Mme Joly et M. Hulot procèdent à des échanges «d’une violence inouïe».

Et pour finir sur une note rigolote, une équipe de chercheurs américains annoncent qu’ils pourraient être en mesure de prédire le succès d’une chanson. En étudiant les réactions neurologiques des adolescents.  Par résonance magnétique. Ces chercheurs américains, figurez-vous, ont fait écouter une trentaine de chansons à vingt-sept gamins de 12 à 17 ans, et constaté que les réactions neurologiques de ces ados n’étaient pas les mêmes lorsqu’ils ont entendu la chanson devenue par la suite tube mondial. D’où la possibilité, désormais, de prédire la popularité d’une chanson en la soumettant à un panel d’ados dont on étudiera les réactions neurologiques.

La science progresse : on est désormais scientifiquement assurés que, malgré les apparences, les ados ont bien des réactions neurologiques.

Le niveau monte.